Case-Pilote vu par Rémi Oliny
(écrit en 1996)



LE NOM DE CASE-PILOTE (Pilote, Arlets, Mathieu Michel)
On a de la peine à imaginer aujourd'hui ce que fut Case-Pilote il y a 350 ans. Cette commune, une des plus anciennes de lile après Saint-Pierre et le Prêcheur, doit son nom dit-on, à un chef caraïbe surnommé Pilote par les Français et qui, tout comme son frère Arlets, avaient accueillis favorablement les nouveaux arrivés en poussant leur libéralité jusqu'à abandonner leurs terres pour aller habiter dans le sud de l'île, l'un aux Anses d'Arlets, l'autre à Rivière Pilote. Une autre version plus vraissemblable et la plus plausible à mon avis, nous est donnée par Sidney Daney dans son Histoire de la Martinique depuis la Colonisation jusqu'en 1815. La baie de Fort-de-France que l'on appelait Cul de Sac du Port Royal, avait attiré l'attention de du Parquet, Lieutenant Général de la Martinique. Ce dernier l'ouvrit aux vaisseaux de toutes les nations. Il poissa même l'humanité jusqu'à placé un pilote nommé Mathieu Michel, chargé uniquement d'aider les navires à entrer dans ce bassin. C'est probablement de cette circonstance que l'un des quartiers situés entre le Fort-Royal et Saint-Pierre, s'appela Case-Pilote. C'est à Case-Pilote que, défié par le nommé Bourlet, bouillant de rage, du Parquet concentra toute sa colère Mais cet effort lui produisit une commotion qui devait précipiter les effets de la maladie qui le minait.

On peut se faire une idée de Case-Pilote grâce à une peinture (fin du 18e siècle) de Moreau de Jones reproduite dans le Mémorial martiniquais (tome I).

Eglise





L'EGLISE DE CASE PILOTE (Lestibois de la Valléee)

Lors de l'arrivée des Français à la Martinique, le "quartier" de Case-Pilote fut attribué à l'un des compagnons de d'Esnambuc, répondant au nom de Lestibois de la Vallée. C'est lui qui donna le terrain pour la construction d'une chappelle entre 1640 et 1645. Bien modeste au début, elle a été reconstruite. Cette église, la plus ancienne de l'île, est classée à l'inventaire des monuments historiques. Sa toiture, comme celle de nombreuses autres églises de l'île, présente cette particularité d'être semblable à la coque renversée d'un navire. Cela s'explique par le fait que les premières églises ont ètè construites par des charpentiers de marine, membres à part entière des équipages des caravelles.






LES LIMITES DE CASE-PILOTE
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Erigé en paroisse, les limites de Case-Pilote s'étendaient de la rivière Fond Capot au nord et fort loin en direction des pitons du Carbet.Rappelons que Bellefontaine était il n'y a pas très longtemps une dépendance de Case-Pilote. Il en est de même de la commune du Morne-Vert. L'actuel quartier de Balata était compris et s'appelait les Hauts de Case-Pilote. Au sud, avant que Fort-de-France ne se développe, la Pointe des Nègres faisait partie de Case_Pilote. Au début ce quartier ne comportait ni bourg, ni ville. En 1660, on compte 777 habitants, y compris 444 esclaves. Petit à petit se forment les qurtiers de Fond Boucher, Fond Bourlet, Micolo, L'Union, Caféière, Grand Fond, Grand Fourneau, La Batterie, etc. Le quartier de la Batterie doit son nom aux fortifications qui existent encore en excellent état et qui permirent à Case-Pilote et à la Martinique de résister aux assauts des Anglais.
ANNEE 1762 (La Batterie)
Cependant, en 1762, assiégés par mer et par terre, les colons s'y replièrent et pour que les canons ne tombent pas aux mains de l'ennemi, les balancèrent du haut de la falaise. Par temps calme, on pouvait les apercevoir assez facilement. Dans les années 80, ces canons de bronze ont été tirés sur la plage et emportés "ni vu ni connu", que sont-ils devenus ?
ANNEE 1902 (La Batterie)
Le quartier de la Batterie a servi à l'édification des cases qui ont accueilli les habitants du Prêcheur et de Saint-Pierre sinistrés de la catastrophe du 8 mai 1902. On y retrouve encore quelques descendants de ces malheureux

FOND BOURLET (vétiver, Lestibois de la Vallée, Louis XIV, eau de rivière)
Dans la plaine de Fond Bourlet se trouvait il n'y a pas si longtemps une distillerie - propriété Laurent - et toute cette région était couverte de cannes à sucre. Les serpents y régnaient en maîtres et semaient la terreur à chaque récolte. On a essayé dans les années 1960, et sans succés, la culture du vétiver. Cette propriété a appartenu jusqu'en 1914 à la famille Lestibois de la Vallée (déjà citée). Cette plaine de fond Bourlet est traversée par une rivière du même nom. C'est là que Louis XIV faisait laver le linge sale de Versailles. Ceci n'est pas une histoire. L'eau de cette rivière a en effet la réputation de laver plus blanc que blanc. Il faut savoir que les rivières de Case-Pilote prennent leur source des hauteurs de Balata, d'Absalon et des Pitons du Carbet.Quand on connait la teneur en acide carbonique et en fer de l'eau de la fontaine d'Absalon, il n'y a rien d'étonnant à celà.
Le magazine GEO dans son n° 179 de janvier 1944 a consacré plusieurs articles à l'exposition "Les Anneaux de la Mémoire" qi s'est tenue à Nantes. A la page 115, M. Pichlin se souvient : "La soupente qui se trouve au dessus de l'évier était utilisée pour stoker le ling de maison sale. ce linge était envoyé régulièrement aux Antilles aux fins de blanchissage, sous prétexte que l'eau de Nantes était polluée".
L'hebdomadaire FEMME ACTUELLE dans son n°311 (semaine du 10 au 16 septembre 1990, page 14) signale que les touristes qui ont fait laver leur linge au Mexique sont formels : les lavandières du cru le leur rendent sans tache et plus frais que jamais. Tott Gusek, chimiste et chercheur à l'Université de Cornell des Etats-Unis s'est penché sur la question. Il a fini par trouver : les eaux du pays des aztèques sont riches en enzymes qui avalent toutes les taches.
Signalons enfin que jusqu'au début de la deuxième moitié de ce siècle, la commune de Case-Pilote disposait de son propre réseau de distribution d'eau potable.
La question qui se pose : pourquoi avoir été chercher ailleurs ce que l'on a sur place ?

LES ROUTES (Impraticables, première voiture)
Les routes (si on peut les appeler ainsi) sont impraticables, véritables chemins de cabris qui servent à relier les habitations entre elles laissent beaucoup à désirer. Elles ne sont pas empierrées et tracées à travers bois et champs aux flancs des mornes suivant les besoins des habitants. On y cultive de la canne à sucre, du café, du cacao,des produits vivriers : ignames, choux, patates, etc. En 1837, six-cent-hectares sont encore couverts de cannes. On y compte alors quatorze sucreries. Il faut citer celle de Moulin à eau et la distillerie de Maniba, touts deux proches du centre ville. L'excellent rhum de Maniba ètait prisé par les Allemands, la distillerie a fermé ses portes dans les années 70, aujourd'hui on y a implanté un lotissement.

C'est en 1893 que la première voiture à traction animale appartenant à M. Clavier, pharmacien venu de Saint-Pierre, est arrivée à Case-Pilote. On ne saurait imaginer les obstacles de la route, les rivières à traverser. Il a fallu dételer les chevaux, pousser ou soulever la voiture avec précautions pour arriver cahin-caha. La route nationale construite au début du siècle traversait le bourg et passait par le morne Choiseul derrière la cité du même nom. Très abrupte d'un côté comme de l'autre, certaines voitures avaient du mal à l'escalader et souvent les passagers étaient obligés de remettre pied à terre.

LE TRANSPORT MARITIME
Avant la catastrophe de 1902, la correspondance entre Fort-de-France et les communes du Nord Caraïbe se faisait par des bateaux à vapeur de la compagnie Salleron.

Jusqu'en 1950, les communications avec Saint Pierre et Fort de France se faisaient par bateau, voyage très agréable le long des cotes caraïbes. Il faut citer parmi les tous derniers bateaux, "le Vigilant" ayant appartenu au Capitaine Clairfond Léger, père de Madame Lise, dont le mari a été maire de Case-Pilote et sénateur de la Martinique durant dix-huit ans, le "Fort de France", le "Pionner", le "Sarah R. Bell" et enfin le "Gouverneur Mouttet" (en hommage au gouverneur mort à Sant Pierre en 1902).

LA PLACE (duel) La commune de Case-Pilote a gardé son cachet des premiers temps, celui des anciennes villes de France, à savoir : Eglise une grande place avec en son milieu une statue ou une fontaine autour de laquelle on trouve l'église, l'hôtel de ville, le marché. La gendarmerie contiguë à la mairie faisait face à l'école. Toutes deux ont été transférées, en 1950, au quartier la Batterie. Aujourd'hui, le bureau de poste complète ce paysage. Il y aurait beaucoup à dire de cette place, entre autres, l'arrivée de l'autobus postal : c'était l'occasion d'une véritable petite fête.

Au 17e et au 18e siècles, les duels étaient interdits en France. Cependant, bon nombre se sont déroulés sur cette place. En effet, les jeunes nobles de France après une nuit d'orgie dans les cabarets parisiens se donnaient rendez-vous sur la place de Case-Pilote pour y régler leur différend. C'est là que René Bonneville, petit homme grêle, grand lettré, brave comme un César, ayant une solide réputation se battit en duel en 1889 pour la troisième fois en deux jours.

LES HABITANTS (pêcheurs, les originaires)
L'abandon des cultures, la fermeture des usines ont conduit Case-Pilote à devenir au début du siàcle un village de pêcheurs. Grâce à une mer tantôt généreuse, tantôt avare, les habitants ont pu subvenir à leurs besoins.

Aujourd'hui, le coût élevé des rôles de canots, la rareté du poisson due à la pollution des rivières et par voie de conséquence de la mer, les importations du Venezuela, les moyens de transport qui mettent Case-Pilote à dix minutes des poissoneries et des poissons surgelés des grandes surfaces de Fort-de-France, mettent à mal les rares pêcheurs qui subsistent encore.

Des premiers habitants, on trouve encore des descendants en la personne des Cadoré, Salleron, Crosnier de Bellaistre, Banaré, Cornette de Saint Cyr, Duclos. Deux maires de Fort-de-France sont originaires de Case-Pilote.
Antoine Siger (notaire) maire de Fort-de-France en 1907 assassiné le 29 avril 1908 est né à Case-Pilote. Plus près de nous, Victor Sévère (avocat), sénateur, maire de Fort-de-France à partir de 1900 jusqu'en 1945 avec quelques interruptions, fit construire sur une falaise proche de Case-Pilote, face à la mer, un caveau en exigeant d'y être inhumé debout. Décédé le 02 octobre 1957, son voeu n'a pas été exaucé. Lui aussi est né à Case-Pilote.
Le père de Gaston Monnerville, ancien Président du Sénat est originaire de Case-Pilote. La famille Monnerville existe encore à Case-Pilote.
Aujourd'hui, Case-Pilote est une ville dortoir, banlieue de Fort-de-France. Quelques rares artisans y exercent encore leur profession.


Je remercie Monsieur Rémi OLINY qui, pour l'amour de Case-Pilote,
nous a permis la publication de cet écrit !


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