CASE-PILOTE : MES RACINES
(André LAURA)


Aujourdh'hui, toutes les nations sont confrontées à travers les mers et les continents à différentes idéologies, là où les humains cherchent leur seule passion dans la vie.
Longtemps, j'ai médité sur l'identité de mon pays, en particulier celle de mon île, qui baignée par la mer des Caraïbes, est le joyau des Petites Antilles.

                                                                                                                                                                André LAURA
Actuellement, ma vie est en Métropole, mais je garde toujours la nostalgie de mon village natal et de mes jeunes années. Tout au Nord de la Martinique, au-delà des collines montagneuses, vous découvrirez CASE-PILOTE, le berceau de mon enfance.

Pourquoi CASE-PILOTE ?
Une case désigne une habitation primitive ou un refuge. Pilote serait le surnom donné à un chef Caraïbe, originaire du Carbet, installé dans les environs bien longtemps avant la colonisation, et qui se montrait affable envers les premiers jésuites français qui désiraient prendre pied dans la zone de la case de pilote. Très volontiers, il leur servait de pilote-conducteur. D'où le nom de Pilote et aussi le nom composé CASE-PILOTE.

CASE-PILOTE est d'ailleurs l'un des plus anciens village de la Martinique. Sa belle église du XVIII siècle, de style baroque, fut construite entre 1640 et 1645. La façade bâtie par des missionnaires dominicains, est l'une des plus belles du Département. Son toit est couvert de jolies tuiles rondes. A l'intérieur on peut découvrir son bénitier en marbre, et en face de la chaire un tableau du XVII siècle, représentant la Sainte Famille, avec un ange tenant une couronne d'épines au-dessus de la tête de la Sainte Vierge. Elle est classée monument historique et est entourée de deux cimetières dont les tombes sont recouvertes de carreaux blancs en faïence. Le Monument aux morts "Saint Just ORVILLE" (Cimetière des esclaves), rappelant toute une page d'histoire du village, lui fait face.

En 1790, aux environs de Case Navire qui dépendait de CASE¬PILOTE, il Y eut un affrontement terrible entre Patriotes et Monarchistes. Ces derniers resteront maîtres du terrain.
En 1793, les Anglais qui voulaient appuyer les Royalistes, débarquèrent à CASE-PILOTE, les républicains commandés par Rochambeau leur infligèrent une sérieuse défaite.
Notons que c'est à Fond Bourlet, hameau de CASE-PILOTE, qu'eut lieu l'altercation entre Duparquet, alors propriétaire et gouverneur de la Martinique, et le colon Bourlet qui aboutit, quelques jours après, à la mort de Duparquet dont la santé était déjà chancelante.Fond Bourlet doit son nom à un habitant de CASE-PILOTE, Bourlet qui possédait une propriété située à un kilomètre du bourg.
Le 15 Avril 1793, CASE-PILOTE fut à l'origine d'une guerre civile, suite à l'émancipation des esclaves. Petite commune située sur la côte ouest de la Martinique entre le Carbet et Schoelcher, elle est distante de douze kilomètres de Fort-de-France. Elle comptait environ 1600 habitants, dont le nombre a doublé depuis. Aux moyens financiers peu importants, elle est arrosée par trois rivières: Maniba, Fond Bourlet, et Fond Boucher. Leurs lits sont le plus souvent à sec, cependant au passage des dépressions tropicales, ou des cyclones on assiste à de grosses inondations qui entraînent d'importants dégâts. Son relief tourmenté permet un tourisme de forêt qui facilite la visite des sites agréables comme le calvaire, le Grand Fond,qui offrent des vues intéressantes de la commune et du reste de l'île. Sur le promontoire de Fond Bourlet, face à la mer, se trouve isolée la tombe de Victor Sévère qui fut très longtemps député et maire de Fort-de-France.
A un kilomètre du bourg, du quartier batterie où se trouve le dispensaire communal, on aperçoit la gendarmerie. Quartier au terrain accidenté, il possède deux plages difficiles d'accès: "Ti Fournaud et Grand Fournaud". De la maison de mon Grand-père surplombant la falaise, on distingue le cap enragé. Du temps des colons, CASE¬PILOTE était défendu par un fortin: "La Batterie Sainte Catherine".

Le bourg communal n'est pas non plus de grandes dimensions. Sur la grande place, se dresse un jet d'eau d'une belle architecture, autour duquel avait lieu à chaque fin de trimestre scolaire la remise solennelle des tableaux d'honneur. C'était aussi le point de rencontre des jeunes et des vieux qui venaient raconter leurs histoires du jour. Non loin de là, le vieux presbytère vêtu d'une charpente de bois de cayenne, où j'ai suivi mon éducation religieuse. Il y avait plusieurs salles, la plus grande appelée: salle paroissiale, était réservée aux concerts lors de la fête Patronale, aux spectacles religieux, et aux séances de cinéma. La Mairie aux couleurs jaunes et vertes domine toute la place. Les épiceries LAVRIL et REY étaient les principaux points de vente du village.

Le grand marché bâti en pierres jaunes et rouges avait regard sur la grande maison d'école en bois. Dans celui-ci étaient installées quatre grosses tables en bois d'ébène, servant d'étalage les jours de gros arrivage de la marée. A côté de celles-ci, un local était réservé à Monsieur VARSIER, le boucher du village, qui le samedi, jour de marché, vendait de la viande de boeuf, de porc, et du boudin. Ce même jour les marchandes de légumes déballaient tous leurs produits sur les tables. Il faut dire que la culture maraîchèré étant une des principales activités de la commune, elle est pratiquée dans les campagnes du Grand Fond, de Micolo, de Cafeyère, et de Case Brulée. Mes parents possèdent une propriété au Grand Fond, située à plus de cinq kilomèlres du bourg, sur laquelle sont cultivés des carottes, des poireaux, du maïs, etc ... On y accède par la route jusqu'en boute morne, où se trouve la maison du Garde forestier. J'aimais m'y rendre en compagnie d'amis pour la. cueillette de mangots (coco boeuf), d'oranges amères, de mandarines, etc ... , ces sorties se terminaient toujours par de bons repas chez les familles ANGELI ou LISE. Mais les meilleurs mangues (Mangues sabots), que j'ai mangées proviennent du verger de Monsieur CHAFOGRACK, situé à deux kilomètres du pavé, (sorte de morne conduisant à Fort-de-France).

J'ai aussi gardé le souvenir du gros tamarinier, planté devant la maison d'école. Majestueux, il étalait ses branches et notre instituteur en détachait quelques brindilles, arin de nous infliger une correction si nos leçons n'étaient pas apprises. Contigüe à l'école, la maison du cordonnier PALMONT (Ton Qua) chez qui j'allais porter en réparation mes chaussures. A l'étage de celle-ci, une salle de jeu réservée aux amateurs de billard. La majorité des notables de la commune en était les principaux clients. A la suite de la demeure du cordonnier, la maison de Madame PIERSON, ancienne Directrice, d'école, chez qui mes parents m'envoyaient lorsque j'étais puni. Le Bureau de poste, aujourd'hui construit à côté du presbytère était installé à l'époque dans une maison particulière en bordure de mer, appartenant à la famille RONDEL. Six bancs de pierre imitation granit, sont implantés tout autour de la place. La première Cité créée à CASE-PILOTE, fut la cité choiseul.

Quel magnifique village !
Il prend vie au petit matin, le chant du coq retentit aux environs de cinq heures, et à ce rituel s'ajoutait le klaxon de l'autobus de Vavar qui appelait les lravailleurs à prendre place. Une heure après, c'était au tour des marchandes de légumes de s'embarquer dans les autobus de Messieurs BEAUBRUN et FEDRONI, pour aller vendre leurs produits au marché de Fort-de¬France, et de ses alentours. Aux premières lueurs du jour, les pêcheurs se dirigeaient vers leurs embarcations. Certains partaient à la pêche "Dite Miquelon", et rapportaient du gros poisson : (Thons, Daurades, Thazars, Requins, Piches - Thons, Volants).
thon
daurade
thazard
requin marteau
volant
ou
volant
Quelques uns préféraient tendre des nasses à quelques centaines de mètres de la côte et ramener des poissons de taille moyenne: (congres, chats, Marillands tête fè, Souris barbarins, carangues, crapauds piquants). Les autres lançaient des coups de senne, et quand le filet était tiré sur la plage, le nombre de poissons frétillants: (chachas, coulirous, bonites, maquereaux), offrait un merveilleux spectacle. Lorsque la prise était importante et que le filet ne pouvait être ramené à terre, on entendait crier les marchandes de poissons: "yo maré paque", et c'est ainsi que les pêcheurs laissaient leurs filets tendus jusqu'au lendemain. Alors les poissons prisonniers étaient ramassés à l'aide de paniers et mis à bord de canots. La pêche de rivière et celle des embouchures sont également pratiquées et on y capture des poissons tels que : Lapias, Mulets, Titiris. Pendant les vacances scolaires, je me réveillais très tôt et je courrais vers la plage. Là en tant que spectateur, j'admirais le travail de ces hommes. Des fois, je participais aussi à leurs efforts, pour récompense, je ramenais à la maison un ou deux poissons. J'aimais la pêche, et j'aurais voulu m'embarquer à bord des canots, mais comme j'étais trop petit, je m'adonnais à la pêche à la ligne. Mon matériel était composé d'une simple ligne, quelques hameçons, et comme appât, des seiches. Je partais en compagnie d'un camarade, pêcher à la carrière du quartier batterie, qui dominait une partie de la plage. Durant de~ heures entières, nous restions là, patients, les yeux fixés sur le bouchon. Le plus souvent nous revenions avec quelques petits poissons, et nous étions très fiers. Nos parents nous accueillaient avec un léger sourire qui voulait tout dire. C'était pour moi un passe-temps favori, mais au contact des pêcheurs, j'ai appris que leur métier était très rude, lié aux difficultés de la mer.
Parfois, il nous appelaient pour les aider à remonter leurs canots, en les faisant glisser sur des troncs de cocotiers appelés: "Rondins". J'admirais le courage de ces marins-pêcheurs: Messieurs SURÉNA, VARSIER, LATOUR, CARONIQUE, DELUGE, qui n'avaient qu'un seul souci, la rentabilité de leur travail. Notons que malgré certaines tentatives de modernisation, la pêche conserve toujours son côté archaïque. Rames et voiles, utilisées comme moyen de propulsion, sont remplacées par les moteurs hors bord dont la puissance fiscale est en rapport avec le tonnage du canot.

Un long quai en bois face à la Villa Nonno séparait la plage. D'un côté, le belvédère de la famille SICOT dominait majestueusement l'autre bord (nom donné à la plage). A proximité, la carrière par laquelle on accédait, au moyen d'un petit escalier gravé dans la roche, au quartier batterie et par la même à la maison de mon Grand-Père. De l'autre, la plage du Four accessible par un chemin de terre rouge était d'une beauté remarquable. C'était le paradis des vacanciers venus admirer cette plage de sable fin, et plonger de l'énorme rocher rouge dans les vagues déferlantes. Ne sachant pas nager, je les enviais, je jouais donc sur le sable en ramenant des petits coquillages roses. Hélas, cela ne durera pas longtemps, car quelques années après, le quai en bois fut détruit, pour être remplacé par un quai en ciment muni d'une grue, qui allait servir au déchargement de la canne à sucre par voie maritime, vers les différentes communes de l'île. Les deux plages furent détruites par les vents violents des cyclones, et envahies par des oursins noirs.

Le soir, les pêcheurs se réunissaient au bar chez Popo, au bord de la mer, et racontaient des histoires. Je revois ce vieillard: Monsieur ARMET, assis sur son tabouret prononçant cette phrase: "Lorsque la grammaire sourit, la France obéit", c'était le poète qui parlait.

Les vacances terminées, il me fallait reprendre le chemin de l'école. Il y avait huit classes, sous la direction de Madame MACENO secondée par les instituteurs Messieurs LAFAILLE, DORIN, VARSIER, ORVILLE, JEAN-BAPTISTE, FRANCOIS-EUGENE.
Dès huit heures, en culotte courte, le cartable à la main, je partais rejoindre mes petits camarades sous le préau. Nous avions juste le temps de nous raconter nos vacances, que déjà la cloche tintait, annonçant l'entrée en classe. Nous nous mettions sur deux rangs, et au signal de l'instituteur nous avancions dans le plus grand calme jusqu'à nos places. Sur nos petites tables de bois munies d'un encrier, nous sortions nos livres, nos cahiers, et notre ardoise. Sur le grand tableau noir, l'instituteur traçait à la craie blanche la première leçon de la journée, j'écoutais altenti vement ses explications.
En 1963, trois sections de classes enfantines ont été créées.
En 1968, Madame ABSALON prenait la direction d'une école maternelle de trois classes qui fut transférée au quartier batterie vers 1970.

Le foot-ball est une des grandes passion des Pilotins. Le club sportif de CASE-PILOTE fut fondé en 1937 par Monsieur Omer KROMWELL et a connu la gloire vers 1970 grâce à des joueurs comme: REGY, CHAR, RONDEL, BARIL, ZIEME, LAVRIL, les frères FORDANT, les frères JANVION dont le plus jeune "Gérard" devient célèbre avec l'A.S. Saint-Etienne. Pendant un an, l'équipe du club sportif n'a encaissé aucun but, tant à domicile qu'à l'extérieur. Lors de leur dépléicement, il fallait voir la fierté des joueurs et des supporters quand ils rentraient à bord des deux seuls taxis de la commune appartenant à Messieurs LUCE et SEVERE et de quelques voitures particulières. Ils arrivaient en klaxonnant, en agitant des drapeaux et en criant leur joie.
L'athlétisme a marqué également l'histoire de CASE-PILOTE, grâce à un de ses enfants: "Germain NELZY", qui fut champion de France du 400 mètres et finaliste aux jeux Olympiques de Tokyo.

A CASE-PILOTE, les habitants aimaient donner à chacun d'entre eux un sobriquet, ce qui apporte une pointe d'humour au folklore de la vie, c'est un rituel qui s'installe.
Quelque exemples de sobriquet :

Ti zinGoujeBouzou
GigotPinouBarbe
MaciasChauvin Salé Boyo
Tué LimiéPatapoutouKanevou
Bois d'orEouéAcrasé
ZagaloMacaque soleilMajor
Soubrécal Ti pouleEdjèbè


Les plus âgés, tels que Macias, Tué Limiè, Ti zin, habitaient en deux cannes, (Propriété du béké DESPOINTES, surnommé: bougue poule la), où était implantée l'usine de Rhum Maniba, entourée d'un champ de cannes à sucre. Un club de jeux (domino, belote, tennis de table), installé à la maison de Madame MONARD, sous la Présidence de Monsieur Roger LISE, (aujourd'hui Sénateur de la Martinique), était réservé aux adultes.
De ma fenêtre, je prenais plaisir à regarder des joueurs tels que Messieurs NELZY, LAVRIL, BEAUBRUN, VARSIER, DORIN, qui s'affrontaient dans des parties de belote enragées.
Nous les enfants, nous nous retrouvions dans la cour Mazas pour des parties de billes. Certains jours, nous allions à micolo pour manger des quénettes, des mangots, des ziquaques, et des tamarins des Inde. Mais Soubrécal, qui n'aimait pas nous voir sur la propriété, nous lançait des pierres pour nous faire partir.
Les jours de pluie à l'aide de feuilles de cocotier, et de plumes de coq, je construisais des petits bateaux. Mais sur les eaux des deux rivières qui débordaient, ils allaient se perdre dans la mer.
Le samedi soir, tous réunis: LEGER, CHAR, CERANUS, CROSNIER DE BELLAISTRE, LA VRIL, DUCHEVEUX, nous formions des équipes pour jouer à la délivrance. Nous courrions de la place du marché, jusqu'au bord de mer, en passant par la cour des Pauvres.
Sur la plage, les canots de Messieurs DEROSE, VARSIER, DELUGE, nous servaient de cachette, malgré l'interdiction de leur propriétaire.
Nous nous retrouvions le dimanche vers 10 heures du matin sur le sable chaud, pour participer à des tournois de foot-ball. Des joueurs tels que ti Paul (Zagalo) m'amusaient par leurs facéties. Pour ma part, je faisais fonction d'arbitre, ou alors de gardien de but, surnommé "Yatchine" j'étais considéré comme le meilleur goal, mais je n'ai jamais voulu évoluer dans l'équipe première du Club sportif.

La baignade terminée, nous rentrions déjeuner pour ensuite se retrouver dans la cour du presbytère pour de nouveaux matchs, sous le regard indulgent des Pères ROBILLARD, BINDER, PARADIS, ou ZAIRE, qui nous demandaient de ne pas envoyer le ballon dans le manguier tout proche. Fatigué, détendu, et heureux, j'aimais me retrouver dans ('ambiance familiale, et rentrais vite à la maison située à quelques mètres du presbytère.
C'est une maison traditionnelle, avec des persiennes blanches, une charpente en bois recouverte de tuiles rouges. De la chambre de mes parents située à l'étage, on apercevait la cour Touloulou à l'emplacement de laquelle aujourd'hui se dresse la maison de Monsieur SURENA.
A l'époque demeurait dans cette cour, plusieurs familles, dont les commérages, les injures et disputes entre Rose, Alexandrine, Victoire, ou Léonarde amusaient le voisinage.
Parfois des bagarres éclataient, et mon père devait intervenir pour calmer et séparer les bélligérants. Il faut dire que mon père, ancien militaire de carrière, a toujours gardé une certaine droiture, et le goût de la discipline. Il savait se faire respecter d'autrui. D'ailleurs à sa retraite, il faisait fonction de receveur buraliste et avait installé son bureau dans une pièce située au rez-de-chaussée de la maison. Dans son bureau se trouvait une grosse malle, qui contenait ses anciens effets militaires, avec lesquels j'aimais me déguiser.
Quant à ma mère, hélas disparue aujourd'hui, c'était une femme calme et indulgente, elle passait à certains de mes caprices. Elle aimait les sorties, les anniversaires, et les réunions familiales, mais n'appréciait pas du tout la politique. Pourtant mon père a été pendant de nombreuses années Maire Adjoint.

A CASE-PILOTE, les périodes électorales ont toujours été très mouvementées, surtout lors des élections cantonales, entre Monsieur RENARD, Maire de Bellefontaine, et Monsieur SAROTTE, Maire de CASE-PILOTE. Les adversaires de Monsieur RENARD lui lançaient des quolibets, tels que: "Mèle la bi, Mèle la bi".
Une anecdote restera dans la mémoire des Pilotins. Monsieur SURENA, (Lago), du balcon de la Mairie s'est écrié: "Lorsqu'il sera dix heures, le souffle cantonal aura balayé la fumée du RENARD".
Le 15 Août, fête de la Vierge, est aussi la fête Patronale de CASE¬PILOTE. Une semaine avant la date, tout autour de la place se construisent les échoppes, faites de tôles et de planches. Les Responsables: "Augusta, Nana, Fortuna, Agnès, commençaient leur décoration à l'aide de feuilles de cocotier et de balizier.


On y installe à côté de la mairie le manège de chevaux de bois. (Chouval bois).

Les rues, les édifices publics, les maisons sont pavoisés de guirlandes, et du drapeau tricolore. Les préparatifs étaient placés sous la responsabilité du garde champêtre: "Monsieur MAZET".
Les Piloùns recevaient le programme des festivités à domicile, ainsi la veille on les voyaient se réunir dans les échoppes toutes illuminées, autour du ti punch traditionnel. Ils pouvaient déguster différentes spécialités : (Brochettes de foie, acras, boudin, chelou, calalou, colbou). Je me souviens qu'à cette occasion, mes parents m'offraient un verre de sirop d'orgeat. L'animation musicale du manège était faite par quelques vieux de la commune: (Ti zin, ~ois d'or). Par la suite Monsieur BOSTON, pêcheur de son état, construisit un manège plus perfectionné, avec musique moderne, dont le chanteur Patapoutou amusait petits et grands.


Vers 21 heures, avait lieu à la maison d'école le bal anniversaire du club sportif, animé par les orchestres: (Blue Star, Los Caribes, Espérenza, Typical Combo).
Les danseurs pouvaient, après réservation, déguster sur des tables dressées dans la cour de l'école des assiettes anglaises. Grâce à mon père, qui devait contrôler la recette du bal, j'avais la chance d'entendre et d'admirer tous les grands musiciens. Sous le grand marché couvert et ses alentours, les joueurs de serbie (jeu de dés), de baccara s'affrontaient dans des parties acharnées.
Au milieu de tout ce brouhaha, on entendait un roulement de tambour qui annonçait la danse du Ladia. A cet instant, on voyait sortir des rangs les meilleurs majors : "Lutteurs" de la commune et des environs, qui allaient nous offrir un spectacle inoubliable. Vers deux heures du matin, les flonflons de la fête s'arrêtaient, le village s'endormait pour se réveiller quelques heures plus tard au son de la musique diffusée par les hauts parleurs de la mairie. La journée des festivités allait commencer, pour se dérouler toute la nuit.

Programme de la fête de CASE PILOTE

5h 00 - Réveil cn Musique
6h 00- Sonnerie des Cloches
7h 00 - Tir au Canard
9h 00 - Messe
10h00 - Vin d'honneur dans les salons de la Mairie
11h 00 - Régales - Courses de canots à l'aviron
12h 00 - Punch en Musique. Jeux divers. Manège. Banquet
14h 00 - Tournoi de football
15h 00 - Concert à la salle Paroissiale
16h 00 - Thé dansant
18h 00 - Concours de chant
19h 00 - Concours d'échoppes
20h 00 - Feux d'artifice. Bal


J'aimais celte ambiance de fête, je jouais au jeu de chevaux, je participais avec les autres enfants à la course en sac, à la course à pied, à la course à la brouette, à l'oeuf à la cuillère. Tous ces jeux étaienl animés par Monsieur Ernest RONDEL. Les plus agés exerçaient leur talent au mât de cocagne. Dans l'après-midi, avec mes parents j'assistais au concert à la salle paroissiale, qui d'ordinaire faisait office de salle de cinéma. Lors de la projection de films, tels que Macisle contre Hercule, Maciste se déchaîne, où encore de série de westerns dans lesquels jouait un acteur nommé "Vieux Zizi", la salle à chaque action hurlait: "Hi salé, Hi salé".
Les courses de canots à l'aviron ont fait la renommée des fêles de CASE-PILOTE. Certaines communes de l'île y engageaient leurs meilleurs canots: La charité de Saint-Pierre, le Renouveau du Carbet, Frappé des ailes de Schoelcher, Chevalier Blanc des Anses-d'Arlet, et l'Innocent de CASE-PILOTE. Pendanl sept années concécuLives, l'Innocent de CASE-PILOTE, donl l'équipage était originaire des Anses-d'Arlet a remporté le titre de champion.
Un magnifique feu d'artifice, tiré du bord de mer, suivi d'un grand bal devait clôturer les fêtes du 15 Août.

Mais à CASE-PILOTE, les fêtes étaient respectées dans leurs pures traditions.
A la Toussaint, toutes les tombes étaient fleuries de couronnes et illuminées de bougies.
Noël était un moment extraordinaire que j'attendais avec impatience. Quelques jours avant, c'était par bandes de copains que nous déambulions dans les rues du village, s'arrêtant chez les voisins qui nous offraient des gâteaux, des liqueurs, des beignets. Nous allions ainsi de maison en maison, et ceci jusqu'au petit jour, en chantant des cantiques que nous accompagnions de tintamares de cuillères que nous tapions sur des casseroles ou des bouteilles. La veille, le cochon était tué. Après la messe de minuit, on se retrouvait en famille chantant des cantiques de Noël (Man Bermelly baissé rhum la), autour d'une table composée de boudin, râgoUl de cochon, igname, pois d'angole, schrub, sirop de groseille, sans oublier le fameux jambon que ma mère avait fait glacer, en le recouvrant d'une couche de sucre, après y avoir apposé une feuille de papier fin, qu'elle faisait chauffer à l'aide d'un fer à repasser. Cc jour là, elle nous préparait aussi des oreillettes, (sorte de beignets). Pour le jour de l'An, j'allais également de maison en maison, présenter les vœux en compagnie de mes parents. Comme étrennes, je recevais des oranges, des mandarines, ou de l'argent.



Les préparatifs du carnaval commençaient une semaine à l'avance, sous l'entière responsabilité de Monsieur Anderson BAGOE, qui chaque année en composait le thème. Au roulement de son tambour, le garde champêtre Monsieur MAZET appelait la population à se réunir, pour la confection des chars, et à l'élection de la Reine du Carnaval de CASE-PILOTE. Le dimanche et le lundi, les chars sur lesquels évoluaient les musiciens: Messieurs BAGOE, DELUGE, SICOT, BERNET, sillonnaient les rues du village, avec sur un des chars l'effigie de vaval, représentant un notable de la commune (bois bois). Le Mardi gras, diablesses et diablotins, précédés d'un char sonorisé, défilaient dans tout CASE-PILOTE. Le Mercredi des cendres, jour de l'enterrement de Vaval, habillés de noir et blanc, tous les participants couraient le vidé en chantant : "Vaval Vaval ça ou fait ou ka quitté nous, malgré la vie a chè Vaval qua quitté nous". A 18 heures, ils se rendaient tous sur le quai pour brûler Vaval. et ensuite regagnaient les salons de la Mairie où avait lieu durant ces quatre jours un grand bal. A Pâques, c'était le rendez-vous sur les plages de fond bourlet, et de fond boucher, pour le rituel matoutou de crabes.


Une coutume qui maintenant tend à disparaître, mais qui a eu ces jours de gloire: Les combats de coqs qui avaient lieu à Choiseul. Des coqs étaient sélectionnés, massés avec des herbes, dressés à tuer, comme à Saint-Lucie ou à Port-Rico. Après le pesage des coqs. la foule s'entassait sur l'arène en bois appelé: "Pitt" ; dans les vapeurs de rhum. les parieurs se passaient la monnaie. On lachait les volatiles, armés d'ergots d'acier tranchants comme des bistouris. On entendait des jurons, la foule hurlait: "Lagé, lagé coq la", c'était un spectacle cruel qui durait quelques heures, à la fin duquel les parieurs allaient se désaltérer dans les boutiques de Madame GERVINET, de Madame DEBELLAISTRE, ou de Madame DELUGE.

Je me souviens des anniversaires qu'organisait la famille PALMONT dans sa propriété de l'Enclos dont une des entrées est connue pour ces deux lions sculptés dans la pierre de taille. Je jouais dans le verger, et je ramenais à la maison de jolies fleurs rouges en forme de queues de chat, des pommes cannelle, des pommes d'eau, des goyaves, des corossols, et des caïmites (genre de kiwi).

Dans le village, la messe est suivie avec beaucoup de conviction. Les femmes revêtaient leurs plus belles robes, et les hommes aux cheveux gominés portaient leurs costumes de ville. et chacun prenait sa plus belle voix pour entonner les cantiques. Quelques villageois adhéraient à la religion adventiste, et se rendaient à la maison de la famille VALDOR, transformée en Temple, sous la direction du pasteur ECANVIL.

CASE-PILOTE était un village réputé pour son accueil, sa tranquillité et sa bonne cuisine. Beaucoup d'habitants de Fort-de¬France et des communes voisines venaient y passer leurs vacances. Dans les assiettes, on pouvait y trouver : Acras, boudin, légumes de pays ou haricots rouges, viandes en sauce (colombo). Mais les plus prisés étaient les fruits de mer: homards grillés, coquillages et crustacés, blaff d'oursins blancs, lambi dont la coque est aussi jolie que la chair est fine. Les bananes jaunes, les kankanbous, les patates douces particulièrement appréciés par leur goût sucré, se consommaient en nature ou en gratin.
Le restaurant de JEANNE, installé dans l'ancienne boulangerie CAPRON, leur offrait de savoureux sorbets aux parfums de mangue, ananas, fruit de la passion ou prune de cythère, ainsi que des tartelettes à la mousse d'ananas. (voir recette) J'ai suivi presque toute ma scolarité à l'école communale de CASE¬PILOTE, jusqu'au cours moyen deuxième année, et le reste de mes études au Lycée Schoelcher de Fort-de-France. J'ai également préparé des études de droit à l'institut Vizioz de Fort-de-France, que j'ai dû interrompre suite à mon appel sous les drapeaux.
De mon adolescence, je garde un très bon souvenir.
Je me souviens particulièrement des bals organisés à la maison des• jeunes, et animés par les orchestres "Gay Troubadour, Loup Noir, Typica moune, etc ...
J'aimais me rendre aussi à l'autre bord, à la paillone de Monsieur SEVERE, où avaient lieu également de grands bals animés par les orchestres de Webert Sicot, Nemours Jean-Baptiste, etc ...
Très vite, j'ai été attiré par la chanson et par la musique. Je participais au concours de chant, lors de la fête Patronale, et plusieurs fois j'ai obtenu le premier prix.
Auprès de mes camarades de classe, j'obtenais un grand succès grâce à mes dons d'imitateurs, surtout lorsque j'imitais mes professeurs.
Cet amour de la musique, m'a permis de chanter dans divers petits orchestres de l'île: "Super Cubanos, Les Frères Bernard, L'ensemble Gopego". Puis par la suite, d'évoluer avec les grands orchestres, tels que les Gentlemens, Les Léopards, La Protesta, La Perfecta. J'aimais me produire à Bel1efontaine, au Torgiléo, bâtiment construit en forme de proue de paquebot, à même la carrière dont la sal1e était immense et donnait une bonne acoustique.

C'est bien sur, en flanant, que l'on découvre CASE-PILOTE, pour la simple raison que le pilotin est un flaneur. Qui pourrait l'en blâmer, les fil1es sont si jolies. Assis à la terrasse du bistrot de Monsieur INSOU (à Dal1as), en face du port de plaisance, on le voit siroter une bière ou un jus de prune de cythère. Dans les ruelles les plus sombres du bourg, par groupe de quatre, ils vident le ti punch, en faisant claquer leurs dominos en riant: "Voilà CASE•PILOTE". Alors laissez-vous tenter un soir par la fraîcheur d'un bar, laissez le rhum envahir votre corps, laissez la houle des cuivres des orchestres monter dans vos hanches. Eh oui! vous avez pris le rythme, n'arrêter plus, maintenant vous êtes vraiment à CASE-PILOTE. Je me souviens de ces retraites aux flambeaux, (vidé) lors d'élections municipales. Dans tous les coins de CASE-PILOTE, c'était la fête, les trottoirs, les rues étaient noirs de monde. A toutes les fenêtres des banderoles de tout genre donnaient à la commune un visage de kermesse. On dansait, on chantait, on buvait à rouler sous les tables, le rhum déliait si bien les langues qu'on ne s'entendait plus même en s'égosil1anl. Au milieu des badauds qui riaient, des camions, munis de haut-parieurs, diffusaient de la biguine. Hommes, femmes, enfants, se tenaient par le bras et scandaient à pleine voix : "Beau fè a, Beau fè a, yo pété lomba mèle la". Un bal public avait lieu ensuite sous le marché couvert, animé par l'orchestre: "Anderson BAGOE". Assez souvent, lors de ces manifestations, comme en période de carnaval, un boibois (une marionnette) était fabriqué et sil10nnait toutes les rues, précédé de troupes à pied munies de flambeaux (bouteille contenant du pétrole, au bout de laquel1e un morceau de tissu servait de mèche). Au quartier batterie, certains dimanches, il y avait des courses de mulets, bourriques. Une fois un des mulets qui devait être monté par "Edjèbè" s'est enfui en pénétrant dans la boutique de Madame JULIANS. La batterie était également le lieu des rendez-vous pour les surprises party chez Solange où l'on dansait tous les tubes des années 60. J'aimais bien m'y rendre en compagnie de mes camarades de classe, surtout qu'à ces occasions un blaff de poissons nous était régulièrement servi. A CASE-PILOTE, il n'y avait pas de piscine, mais je pouvais me rendre à la campagne "La Cafeyère" où se trouvait construit une retenue d'eau, là on pouvait plonger et nager comme des poissons. En revenant de la baignade, nous passions par la rivière et nous nous arrêtions pour admirer la statue de la vierge devant laquelle nous faisions le signe de la croix. C'était le lieu de pélérinage ou de procession lors de la fête Dieu. Tout au long du chemin, on ramassait des mangés coulies (sorte de fraises jaunes), des flèches de canne à sucre, parfois on attendait le camion de Monsieur BOQUET ou le tracteur d'Amory chargé de canne à sucre, et nous nous accrochions aux ridelles afin d'attraper de grosses cannes à sucre appelées : "Pain épi lait" (Cannes à sucre au goût de miel). Diverses sorties étaient organisées à fond-bourlet, ce petit hameau calme et discret réservait à tous les touristes la chaleur de son sable chaud et la douceur de sa plage.
Une maison de type colonial, conventionnée par l'Inspection Académique servait de colonies de vacances, et l'on venait y préparer quelques fois nos repas.
La commune ne possédant pas de groupe folklorique pouvant rivaliser ceux de Fort-de-France, Monsieur BAGOE essaya d'en créer un. Il fallait voir le talent des musiciens et des danseurs; la variété des costumes et le punch de l'animateur en faisaient un spectacle complet. Une véritable revue créole où les danses traditionnelles étaient présentées sous leur forme la plus attrayante: Bel air au rythme saccadé, lagia aux sons mélodieux, valse créole ou majestueux quadrille inspiré de la vieille France. Autant de danses à la suite desquelles vous vous laisserez entraîner par les danseurs au son d'une biguine créole, et surtout du ti punch Maniba. Tiré de la canne à sucre, ce rhum jouit d'une réputation inégalée de par le monde, c'est qu'il est le résultat d'un savoir faire plusieurs fois centenaire. Côté terroir, notre commune bénéficie d'une situation géographique idéale qui procure aux plantations dc canne à sucre à la fois un ensoleillement suffisant, et un arrosage naturel provoqué par la rencontre des alizés chargés d'humidité et des massifs montagneux.
Ainsi, passé novembre où les reflets argentés des flèches de canne rivalisent au soleil, se met en b~anle dans les distilleries un processus de fabrication où le "vesou", jus de la canne broyée, fermente à l'air libre pour être ensuite distillé dans les colonnes de cuivre. Le rhum blanc ainsi obtenu (Rhum Maniba), enfermé de longues années en fûts de chêne, prendra progressivement une teinte ambrée, ainsi que cette saveur délicate recherchée par les amateurs. Dans certains bistrots de la commune, quelques liqueurs fabriquées à base de rhum, tel que le punch coco, le punch passion étaient servies aux touristes. Les vieux par contre aimaient boire le rhum accompagné d'une dose d'absinthe, et parfois ils nous faisaient goûter à leur cocktail d'amour, création récente à la teinte dorée à base de bois bandé "écorce aux vertus aphrodisiaques" .
Tous les vacanciers qui venaient à CASE-PILOTE se devaient de profiter pleinement de la douceur des nuits tropicales. Outre la tranquille promenade nocturne, ou le bain de minuit, ils jouissaient de soirées mémorables. Chez madame DONVAL où ils se cotoyaient, pilotins et métropolitains dansaient la biguine, et quelques uns écoutaient jusque tard dans la nuit en sirotant un punch ou un cocktail excentrique.
Certains pilotins : "BERT, RICHARD", pratiquaient la plongée sous-marine et découvraient les spectaculaires flore et faune marine. Comme équipement un masque et un tuba leur suffisaient. Couleurs féériques des coraux, étoiles de mer, langoustes et gorgones, ballet argenté des pisquettes, voilà les quelques découvertes dans la baie de CASE-PILOTE, qu'ils nous racontaient à leur retour.
Dans la commune les nouvelles circulaient très vite, grâce à certaines personnes qui prenaient des milans (discutaient), assises sur un banc près de la mer. En faisant allusion aux journaux de la métropole, on les surnommait: "Le Figaro ou le Parisien". Par le pittoresque de ses rues, de ses maisons, et de sa fouIe bigarée, CASE-PILOTE saura vous charmer. En période sèche (période de carem), il est de tradition de porter le chapeau de paille (Bakoua) pour se protéger des rayons du soleil. Le rythme de la nuit est donné par le chant des animaux nocturnes qui nous bercent après le coucher du soleil. Il augmente au fur et à mesure que le calme s'installe chez les habitants. Cet intrigant mélange des sons ne parait pas au départ aussi composite qu'il l'est réellement. Ils vont des frémissements les plus doux aux cris stridents du criquet. (sorte de grillon), et de la sauterelle verte dont on dit qu'elle porte chance. En empruntant vers 19 heures le pont qui traverse l'autre bord, on entend une sérénade ponctuée par l'éternel refrain du cabrit bois et de la minuscule grenouille martiniquaise qui, sans doute effrayée par la trépidance du jour, attend le calme et la fraîcheur de la nuit pour faire entendre son chant semblable à un tintement de clochette. Il m'arrivait de lancer, du haut du pont, des pierres qui troublaient ce son mélodieux. Dans la journée je pouvais rester de longs moments à observer l'anoli. Petit lézard vert du pays (que l'on pourra voir sur le site antanlontan.chez-alice.fr), famille des iguanidés. Fasciné par le fait qu'il vit très près de l'homme, il a la particularité de gonfler sa majole (gorge) qui prend une teinte jaune lorsqu'il est inquiet ou en colère. Pour des expériences scolaires nous les capturions à l'aide d'un noeud coulant au bout d'une ficelle, et nous les enveloppions dans des carrés de tissus appelés: "Madras".
L'importation du madras remonte aux temps reculés de l'esclavage où les femmes csclaves s'en servaient déjà pour s'attacher la têtc. Ainsi sont nées les coiffures fort élégantes encorc couramment portées au début du siècle, époque où on faisait la disLinction entre les femmes à madras et les femmes à chapeaux; ces dernières étant les bourgeoises. Mais aujourd'hui le madras n'est plus pOrlé en coiffure que par certaines grand-mères qui restent les gardiennes de la tradition. Elles détiennent aussi les secrets de la bonne cuisine exotique: migan de fruit à pain accompagné de tête cochon à la sauce au chien, plats de féroce (purée d'avocat à la morue hachée) et blaff de balarous ou de volants.

A CASE-PILOTE, une fois la nuit tombée, chacun se retrouvait pour discuter ou s'amuser. J'allais des fois chez la famille BEAUBRUN jouer à la belote qui durait très tard dans la nuit.
Mais peu à peu toutes ces distractions ont disparu car une grande partie de mes camarades ce sont exilés en métropole à cause du manque de travail. Quelques années plus tard, je devais suivre le même chemin. Aujourd'hui, je bénéficie d'un congé de 2 mois tous les trois ans pour me rendre à mon village natal qui n'est plus le petit bourg d'antan, mais presque une peLite ville car le nombre d'habitants a triplé depuis. Ces derniers gardent toujours cet accueil aussi chaleureux.
Grâce au dynamisme de la nouvelle équipe municipale, avec à sa tête le Maire Monsieur Frantz BEROSE, la mairie a retrouvé un nouvel air de jeunesse (Agrandissement des locaux, ravalement de la façade). La petite place avec son jet d'eau a été baptisée: "Place Gaston MONNERVILLE" en hommage à ce fils de CASE-PILOTE (de par ses parents), et qui fut pendant de très longues années "Président du Sénat". De part l'accroissement de la population, le bureau de poste s'est agrandi et a été classé bureau de première catégorie. Plusieurs cabines téléphoniques ont été installées à divers endroits du village.
La Maison des jeunes, elle, a fait peau neuve, une nouvelle équipe s'y est installée et travaille dans de bonnes conditions afin de construire définitivement de nouvelles bases solides (Réorganisation administrative, Réaménagement des locaux, Mise en place des activités).
A l'ancienne maison d'école, un club de 3ème fige s'est créé sous la Présidence de Madame GIRIER-DUFOURNIER. Diverses activités y sont proposées : (sorties, voyages organisés, visistes de sites, de musées, bals, repas, etc ... ). De nombreux commerces se sont installés : Contigu à la mairie, le bazar du Centre faisant office de snack bar propose : (croque¬monsieur, hamburgers, poulets rôtis, frites, et des repas sur commande).
A quelques mètres de la poste, l'implantation d'un libre service (le huit à huit), où l'on trouve de nombreux produits et diverses denrées alimentaires.
L'ancienne petite épicerie LAVRIL s'est transformée en Libre Service Bazar "Au Trouve Tout".
La toiture de l'église a été refaite dans sa totalité.
Le chemin conduisant en deux cannes a totalement disparu. Une cité(cité maniba) s'élève à l'emplacement du champ de canne à sucre, et l'usine de rhum (rhum maniba) sert maintenant de salon d'ébénisterie (construction de lits à colonnes en bois de mahogany). Un restaurant a également ouvert ses portes à quelques mètres de la cité. CASE-PILOTE possède maintenant un nouveau stade de football équipé de tribunes. La qualité de sa pelouse en fait sa renommée.
Un hangar construit sous les tribunes du stade sert d'abri aux véhicules du corps des Sapeurs Pompiers récemment créé, sous les ordres du sergent CELMA.
En prolongement du stade, divers ateliers (couverture el ouvrages méttaliques, ferronnerie d'art, etc ... ) proposent leur service aux habitants de la commune.
Une section d'athlétisme sous la direction de son Président Monsieur EUGENE a pris un nouveau départ, el s'illustre par les nombreuses victoires de ses athlètes qui aiment après chaque entraînement se retrouver au snack bar "Le Giou Giou" autour du pot de l'amitié.
Une pharmacie, un cabinet de kinésithérapie, deux cabinets médicaux (Médecins généralistes) permettent aujourd'hui la consultation à domicile.
Deux salons de coiffure, une station d'essence, ont pris naissance en plein centre du bourg, et de nouveaux droits de taxis ont été accordés pour améliorer le déplacement des habitants.
La célèbre propriété (Enclos), aujourd'hui transformée en hôtel restaurant (Auberge du Varet) attire de nombreux touristes par la réputation de sa bonne cuisine.
Le bord de mer a été nettoyé et aménagé pour favoriser l'accès à la plage. Le nouveau port de pêche permet à certains jeunes de la commune un plus large investissement, par l'achat de bateaux frigorifiques, permettant ainsi le stokage du poisson pêché dans les zones riches des eaux profondes de la Dominique et de ses environs. Il sert également de Marina aux gros bateaux de plaisance.
De nouvelles constructions ont vu le jour aux quartiers: "Batterie, Ti Fournaud, Grand Fournaud, Choiseul, derrière l'enclos, et fond Bourlet.
CASE-PILOTE est presque devenu un village cosmopolite: on y trouve des gens originaires, soit de la Métropole ou de l'Asie qui y habitent.
A côté de l'école mixte Saint-Just ORVILLE, une nouvelle école Maternelle (Les Abeil1es Félix et Eugénie LICAN) renforce l'insfrastructure de la commune. Il ne faut pas oublier que la première école primaire de CASE-PILOTE fut ouverte en 1843 par Fifi CHEV ALlER.
Certains fils de CASE - PILOTE ont ainsi donné l'exemple par leur brillante réussite scolaire : Marc LAURA agrégé de mathématique, Xavier ORVILLE agrégé d'espagnol, Léo ORVILLE inspecteur de l'enseignement primaire, Auguste ARMET docteur en sociologie).

CASE-PILOTE conserve toujours une certaine aristocratie puisque certains grands propriétaires y ont habité (Le Comte DE PERCIN, le Comte DE SAINT-REMY, le Comte DUQUESNE).
CASE-PILOTE, par la vertu de son accueil exceptionnel, de l'hospitalité de ses habitants, de la beauté de ses maisons est actuelIement une plaque tournante pour les années à venir. Les loisirs et les vacances ne sont pas seulement le temps du repos mais aussi celui de la découverte, l'occasion de vivre autrement : Quelle passionnante et captivante aventure! Ce beau village que j'ai quitté depuis quinze ans m'a toujours ouvert ses bras à chaque retour. Les retrouvailles chaleureuses de l'ambiance familiale, les lumières clignotantes des lucioles à la tombée de la nuit, ravivent à chaque fois en moi mes souvenirs d'enfance.
CASE-PILOTE a vu en peu de temps sa population répartie dans tous les coins de la métropole; et cette longue marche vers le progrès a ouvert ainsi ses portes à une nouvelIe vague de jeunes. Cependant cette marche a été mal comprise par certains jeunes qui se sont adonnés à la drogue.
Perdu dans un espace de consommation, ces derniers ne semblaient pas conscients de ses potentialités créatrices et de la valeur de celles-ci. La conduite juvénile toxicomaniaque fait aujourd'hui en grande partie référence aux problèmes généraux de l'adolescence et de l'enfance.

Malgré tout, on peut arriver avec le soutien de la municipalité à des résultats satisfaisants. Monsieur le Maire Frantz BEROSE m'a fait l'honneur d'assurer la présidence de la fête patronale de la commune à plusieurs reprises et j'ai pu alors mesurer combien ce fils de CASE¬PILOTE que j'étais, parti depuis longtemps, n'avait pas été oublié. J'en garde une certaine nostalgie, c'est pourquoi à divers endroits de la région parisienne j'ai su chanter l'amour des îles.
Avec mon ami Maurice JALLlER, une oeuvre comme "Loin de mon Pays" était bissée à chaque gala. La musique éveillant le souvenir, les gens continuaient d'applaudir quoi qu'il arrive, même quand l'artiste attaquait la chanson suivante. Aussi au cours de mes imitations dont le nombre dépasse aujourd'hui la trentaine, nombreux sont les spectateurs qui aimaient retrouver l'ambiance des débats dont le présentateur vedette n'était autre que: "Yves MOUROUSI". Toute la classe politique défilait, même Jean-Marie LEPEN n'était pas oublié. Pour la partie variété, c'était au tour de "Denise FABRE" de présenter les chanteurs tels que: "BOURVIL, Julio IGLESIAS, Charles AZNAVOUR, Enrico MAClAS, etc ... " J'aimais ainsi divertir les gens, et je dois avouer sans aucune forfanterie que j'ai reçu de véritables ovations dans tous les galas où je me suis produit. Maurice était étonné par la longueur des applaudissements.
A l'occasion de la sortie d'un futur album, je vous présente ce texte inédit :

Loin de mon Pays

Tous les bateaux l'ont sillonnée 
Bien tant de peuples ont traversé 
Cette jolie mer des Antilles 
Que j'ai quitté 
Depuis quinze ans 
Pour découvrir le continent 
Ce beau pays ensoleillé 
Où j'ai laissé 
Parents amis 
A fait de moi un exilé 
Adieu pays que j'aime tant 
Un jour je serai près de toi 
Je ressens encore 
Le Parfum la douceur et la chaleur 
Des vagues de la mer 
Qui s'écrasaient sur le rivage 
Et venaient caresser mon corps 
Les doux rayons de ce soleil 
Qui réchauffaient mon coeur 
Adieu pays que j'aime tant 
Un jour je serai près de toi. 
 
Conclusion


Faut-il aujourd'hui changer l'esprit,de toute une nation ou seulement d'un peuple. L'esclavage abolit depuis 1848 grâce aux efforts de Victor SCHOELCHER a tout de même laissé une grande séqueIle : (Le racisme). Partagé entre CASE-PILOTE et la Métropole une espèce d'amalgame de coutumes créoles s'est créé, qui, agrémenté de contingences métropolitaines a provoqué l'épanouissement d'une nouvelle vie. Véritable otage de celle situation, je ne peux oublier celle terre où mes racines ont pris naissance. Combien, tressaillant encore dans leurs fibres ancestrales, aimeraient prendre eux aussi leur bâton de pélerin pour essayer de retrouver leurs racines. Il faudra beaucoup d'effort, el de compréhension pour une solution nouvelle.

- fermer -