1939… année historique et pour les Antilles et pour la poésie… C’est l’année de publication du « Cahier d’un retour au pays natal » d’Aimé CESAIRE.


Cette création puise sa force dans l’histoire de la poësis elle-même.
Le « cahier » surgit dans le cours du développement de la littérature mondiale, comme «le coup de dé ... » de Mallarmé, pour opérer une rupture avec une époque révolue et pour annoncer des temps nouveaux, en prophétisant les formes sur lesquelles la réalité historique future viendra se modeler. Là réside le miracle de la grande littérature !
Dès lors le poète revient. C'est-à-dire qu’il réalise une Odyssée. Lui, Césaire, qui avait fui cette société coloniale qui se voulait créole au point de souhaiter ne rien à voir avec l’Afrique et où il étouffait littéralement, le voici qui chemine désormais vers « la hideur désertée [des] plaies » du pays natal. C’est d’ailleurs le retour qui donne son sens au départ.
Un destin, dès lors, s’offre à lui. Il se doit de surmonter ses propres résistances face aux « puanteurs exacerbées de la corruption », face aux séductions qui sont des appels à la trahison, face aux tentations de s’accommoder. D’ailleurs n’a-t-il pas affirmé dans un sursaut d’orgueil : « Accommodez-vous de moi, je ne m’accommode pas de vous ! » Et « par une inattendue et bienfaisante révolution intérieure, dit-il, j’honore maintenant mes laideurs repoussantes ». Et le voici, ce CESAIRE, l’expert en énigmes fameuses qui était devenu le premier des nègres, je veux dire le premier des humains, qui accepte le limon qui entre dans la composition de sa chair notamment : « ces quelques milliers de mortiférés qui tournent en rond dans la calebasse d’une île ».
Le langage n’est pas qu’une réalité formelle. Il est avant tout corps, mouvement du corps.
Toute poésie, la vraie, tend à devenir musique. La musique, la vraie, part du corps et revient toujours au corps.
Dansez-donc ? Dansons donc !
Mais seulement si c’est pour manier « des quartiers de monde » pour épouser « des continents en délire » pour forcer « de fumantes portes ».
Avec des gestes et des mouvements qui sont… « des flambées de brousse et des flambées de chairs et des flambées de ville ». Que tout cela ne se fasse pas « seulement avec les bouches, mais les mains, mais les pieds, mais les fesses, mais les sexes, et la créature toute entière qui se liquéfie en sons, voix et rythme ».
La danse est « conscience et son rythme [est] de chair » :
« Danses de mauvais nègre »
« La danse brise-carcan »
« La danse saute-prison »
« La danse il-est-beau-et-bon-et-légitime-d’être-nègre »
Paroles d’Aimé CESAIRE
Que la danse soit !
Le 26 Avril 2008
GUILLAUME SURENA

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